PARCOURS ANALYTIQUE DU SOLFEGGIETTO POUR FLÛTE N °1
Avec les exemples de WEBERN et VARÈSE {a} {b}, nous avons observé notamment l’opposition variant-invariant fixe un son comme entité référentiel. Il est à remarquer également que ce son de référence peut se présenter au moins de deux manières à l’intérieur du mouvement sonore : l’une, par exemple chez VARÈSE, impose à la perception une fixation sur un objet constant ; l’autre, comme dans le cas de WEBERN, donne de manière invisible mais bien présente, la distribution symétrico/spatiale autour lui. Cependant, considérons à présent la dualité affirmation et diminution dans l’opposition variant-invariant chez C. BALLIF.
Référentiel du Solfeggietto n°1
L’ensemble ci-dessus correspond au référentiel qui donnera naissance au Solfeggietto n°1 pour flûte seule. Un simple survol et on constatera l’absence de la note sib — ce qui imposera pour ce premier ensemble le ton indicatif de mi — selon les préceptes théoriques annoncés dès 1949 par C. BALLIF.
Tout d’abord, rappelons que l’idée de C. BALLIF dans l’élaboration des pièces pour instrument solo, a été mise en pratique dès 1961 (Chap. 78)— alors qu’il travaillait avec Pierre SCHAEFFER au G.R.M.
En effet, le concepteur des objets sonores avait demandé, à chacun de ses élèves participants, la confection d’une musique pour un film imaginaire — dont le principe esthétique consistait à signifier que toute musique était adaptable à n’importe quel film. Ainsi, sont nés les deux premiers Solfeggietti pour instrument solo : le premier pour flûte et le deuxième pour cor anglais.Considérons à présent le référentiel émergé dans son mouvement :
Figuration référentielle
Le début de cette œuvre nous annonce d’emblée une tâche difficile pour l’analyse, étant donné que l’ensemble référentiel — lui-même suffisant pour ouvrir le mouvement — se trouve submergé dans une figuration thématique stricto sensu. C’est pour cela, et malgré les analyses traditionnelles concernant le découpage de cette pièce — à savoir en trois grandes parties —, que nous avons envisagé la même démarche de segmentation employée pour l’analyse de DENSITY 21.5 de VARÈSE, car à notre avis, elle rend plus claire la perception du conflit énergétique (statisme/dynamisme) déclenché par le pivotement d’une unité métrique de référence et d’un jeu dynamique entre les extrêmes.
PREMIÈRE PARTIE DU SOLFEGGIETTO N°1
PREMIÈRE SECTION : INTRODUCTION
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 104 bpm
INVARIANT HARMONIQUE : LA→MI→SI
SON ANTIPODE : Sib00
OPPOSITION VARIANT – INVARIANT
Section I
DEUXIÈME SECTION : MÉDITATIVE
MOUVEMENT métronomique : 88 MENO
INVARIANT HARMONIQUE : LA→MI→SI
SON ANTIPODE : Sib
AFFIRMATION DE L’OPPOSITION VARIANT – INVARIANT
Section II
TROISIÈME SECTION : MODULATIONS MODALES
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 132 bpm
INVARIANT HARMONIQUE : NOYÉ
SON ANTIPODE : Sib ENCORE ABSENT
DIMINUTION DE L’OPPOSITION VARIANT – INVARIANT
Section III
QUATRIÈME SECTION :
ALTERNANCE ANTÉCÉDENT / CONSÉQUENT .
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 144 bpm VIVO CON SPIRITO
STABILITÉ DE L’INVARIANT HARMONIQUE LA→MI→SI
Section IV
CINQUIÈME SECTION : DILATATION MÉTRIQUE
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 88 bpm
Section V
SIXIÈME ET SEPTIÈME SECTIONS : PRÉPARATION DE LA
CADENCE MÉTATONALE
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 104.
RÉINTRODUCTION DU SON ANTIPODE la dièse (a titre d’accident)
PRÉPARATION DE LA PREMIÈRE MODULATION DE
L’INVARIANT HARMONIQUE
Dilatation métrique
Sections VI – VII
HUITIÈME ET NEUVIÈME SECTIONS :
(parenthésé avec accélération et conclusion)
AFFIRMATION DE L’INVARIANT HARMONIQUE
TON INDICATIF : SOL #
MOUVEMENTS métronomiques :
a) 144-152 vivacissimo
b) 104 (T°) conclusion
Sections VIII – IX
Fin de la première partie
DEUXIÈME PARTIE
MODULATIONS DE TEMPI
Dès le début de sa carrière, C. BALLIF a toujours porté une attention très profonde à la problématique de la durée — celle-ci, vue sous l’angle de l’articulation métrique dans son mouvement. Certes, le vocabulaire développé à travers ses écrits n’est pas si éclairant à ce propos et son opposition farouche au découpage du temps avec une précision d’horloger a été maintes fois manifestée.
Cependant, une précision interprétative de ses œuvres accompagnée d’un grain de « folie et de délire », l’écartèrent d’une perception ennuyeuse et décousue d’un texte musical mal digéré 150. En effet, il est probable que le souci occulte du père de la métatonalité vis-à-vis des problèmes du temps soit semblable aux préoccupations d’un Eliott CARTER ou bien d’un Conlon NANCAROW ; mais oui, la métatonalité supporte aussi le référentiel de durées et C. BALLIF , à la fin de sa vie en est tout à fait conscient.
PREMIÈRE SECTION : DILATATION MÉTRIQUE
TON INDICATIF : Sol #
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 88 bpm MODERATO
DEUXIÈME SECTION : ANACROUSE
TROISIÈME SECTION : STABLE
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 88
Troisième section
QUATRIÈME SECTION : PARENTHÈSE
Mouvement métronomique : 88
4ème section
CINQUIÈME SECTION : Vivacissimo
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 152 bpm
(réintroduction du son antipode RÉ bécarre)
5ème section
CINQUIÈME SECTION : MENO
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 100 bpm
5ème section
SIXIÈME SECTION : MODULATION
INVARIANT HARMONIQUE : DO → SOL → RÉ
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 152. VIVACISSIMO
(réintroduction du son antipode RÉ bécarre)
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SEPTIÈME ET HUITIÈME SECTION : OPPOSITION
LENT – RAPIDE
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : MENO, NOIRE 120 / MENO,
NOIRE 80. RALENTISSEMENT PAR GLISSEMENT TEMPOREL
RELATION (3/2). OPPOSITION DE TIMBRES : FLATTER,
STACCATO, DÉTIMBRÉ, TOUT BLANC
7e et 8e sections
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TROISIÈME PARTIE
UNIQUE SECTION : SUBITO VIVACISSIMO
MOUVEMENT MÉTRONOMIQUE : 144
INVARIANT HARMONIQUE : MI→SI→FA#
CONCENTRATION DU CONTRASTE DE TIMBRES
Fin
Interprète de la intégralité des extraits à usage exclusivement pédagogique : José García-Guerrero
Liens YouTube de l’interprète : A – B