Autoportrait de Claude Ballif

à la demande de Jacques Drillon

Je peux écrire comme un cochon sauvage qui réside entier, criant et chantant, dans sa pitance. Les yeux, les oreilles, la tête disparaissent, avec un gosier, enfouis dans la mangeaille. Il est mon autoportrait. Comme lui, tout mon corps participe à l’opération musicale où s’éclaboussent de singuliers débris d’airs, plongé tout entier dans le sonore premier et ne pensant absolument pas. Je suis ce que j’entre entends. Aucune idée autre que l’espace, l’avancée, les zigzags. Pour domestiquer ce cochon modèle je prends un fouet disciplinaire et je prie Saint Antoine car, malgré tout, je ne suis pas aussi simple et déterminé que lui. Je n’ai pas de saison ni de moments privilégiés. Ils peuvent le devenir tous comme aucun. Il y a cet instant saisissable ou rien. Pourquoi mon industrie m’écarterait-elle des sueurs qui existent dans d’autres? Je deviens plein d’égards envers les notes de musique. Les sons jouent à cache-cache avec ma tête, me font sortir de mes habitudes. C’est donc par les débordements de l’indiscipline que je conçois la rigueur. Celle-ci me distrait de mes limites parce que je suis tout à l’occupation nouvelle. Avant de l’entreprendre je vais dormir.

Au réveil je saurai…

Claude Ballif